Dans le Dit de Genji, un roman du début du XIe siècle, chaque chapitre porte le nom d’une femme identifiée à une fleur. La fleur est d’autant plus belle qu’on sait qu’elle va mourir. C’est l’éphémère qui est beau, plus que la fleur qui n’est que le moyen de l’éphémère.
Dans la tradition japonaise, la beauté ne peut réellement exister que cachée. Même si la qualité physique s’attache évidemment à des signes concrets, la vraie beauté ne se lit qu’à travers l’expression d’une gestuelle parfaite. Equivoque, elle passe par la contrainte pour laisser croire à l’harmonie naturelle car le geste maîtrisé affirme la force de l’esprit sur la vulgarité du geste démonstratif.
Une femme de qualité ne se présenterait jamais aux regards sans avoir préalablement éclairci son teint. Auparavant, elle aurait relevé ses cheveux en chignon, se serait rasé le visage pour permettre l’application de la base et de la poudre. Elle aurait évité de rosir ses joues, limité ses yeux à un trait et arrondi sa bouche à la taille d’un pétale, mais se serait creusé légèrement les paupières. Ce savant maquillage a pour but de ne pas se faire remarquer car il ne signifie rien. Au contraire, il camoufle les traits pour magnifier la beauté du geste.