Au Japon, il n’y a qu’un seul mot pour désigner le bleu et le vert : aoi. Ainsi, dit-on que le feu rouge passe au »bleu ». De fait, le bleu/vert est la couleur de la nature quelles que soient ses nuances. L’été, au moment des grosses chaleurs, les Japonais utilisent des vaisselles à base de blanc et de bleu et des récipients bleutés en verre soufflé pour suggérer l’eau et donc la fraîcheur.
Comme partout dans le monde, la teinture à l’indigo est la teinture idéale pour les vêtements de travail. On la retrouve donc bien naturellement chez les paysans et les artisans japonais mais aussi chez les guerriers, en compagnie des noirs et des bruns. La teinture ai-zome passe également pour faire fuir les mauvais esprits tout comme la vermine. Le bouddhisme loue son esthétique de frugalité et le shintoïsme aime l’utiliser pour teindre les kimonos des fêtes religieuses populaires.
Le bleu est aussi une couleur symbolique, particulièrement dans le théâtre. Dans le bugaku, on le réserve aux costumes des danseurs représentant la Corée, alors que ceux qui sont en rouge figurent la Chine. Dans le nô on l’utilise pour désigner certaines divinités bouddhiques. Dans le maquillage du kabuki, le bleu est la couleur des esprits surnaturels et des fantômes. Il est négatif et exprime, la méchanceté, la jalousie et la peur. Au niveau des costumes de kabuki, le bleu sombre est adapté aux caractères forts, héros comme brigands. Par contre, le bleu clair désigne un personnage élégant et cultivé.
Avec l’arrivée du bleu de Prusse au XIXe siècle, l’estampe japonaise change de registre ; les peintres s’enthousiasment alors pour le paysage. Hokusai sera l’un des tous premiers à adopter cette couleur et ce nouveau sujet. Plus tard, c’est en bleu clair que l’on peindra le portrait des grands acteurs de kabuki ou des grands poètes dans leurs estampes commémoratives.